mercredi 26 mars 2014

Les dix artworks préférés de Mike Mignola !


Toujours dans le cadre des vingt bougies du démon cornu, le site io9 a eu l'excellente idée de demander au Maître de l'encrage quels sont les artworks dont il est aujourd'hui le plus fier, ou plutôt, quels sont les artworks de Mignola que Mignola préfère. Le résultat, comme très souvent avec l'artiste, est d'une pertinence et d'une exhaustivité assez rare. Raison pour laquelle j'ai tenté de me défoncer les neurones en vous chiant une traduction maison relativement correct. Je vous laisse avec les déclarations de l'artiste et vous souhaite une bonne lecture. Enjoy :


The First Drawing of Hellboy (1991)

Ceci est le premier dessin de la chose qu'est devenu par la suite Hellboy. C'est également la première fois que j'ai écrit le mot Hellboy quelque part. Je me souviens très bien du moment où je l'ai dessiné. Les organisateurs d'une convention m'avaient un jour demandé de dessiner quelque chose pour le guide de leur événement. Et comme à l'époque, je n'étais pas connu pour être le dessinateur d'un personnage en particulier, j'ai donc dessiné ce truc sur lequel j'ai par la suite écrit Hellboy. A l'époque, je me disais que c'était le truc le plus marrant que j'avais jamais dessiné. Il n'y avait donc aucune ambition quant au fait de créer un comic book centré sur ce personnage. Mais quelques années plus tard, lorsque fut pour moi le moment de faire mon propre comic book, je suis revenu dessus et me suis souvenu que j'avais pris beaucoup de plaisir à dessiner ce personnage. Pour ce qui est du nom Hellboy, je trouvais que ça sonnait pas mal - il me faisait également beaucoup rire.

Ce dessin est plus proche d'un personnage fantastique que du Hellboy tel qu'on le connait. Mais à l'époque, j'avais plus en tête de faire un comic book commerciale qu'une série montrant un monstre errer sans but précis. Non pas que je voulais faire quelque chose de purement commercial; je voulais créer une série qui ne prendrait pas place dans un monde fantastique mais dans un monde plus ou moins réaliste. Ce personnage ne devait pas être un simple monstre avec un crabe sur la ceinture. Il devait pouvoir évoluer dans un monde qui sonne vrai. Je devais donc le raser et le travailler un peu plus. Il existe cinq ou six pages pleines de designs montrant l'évolution graphique du personnage entre ce à quoi il ressemblait à ce moment et ce à quoi il ressemble aujourd'hui. 



Hellboy: Seed of Destruction #1, Page 8 (1994)
Il me semble qu'il s'agit de la page où Hellboy apparait pour la première fois dans le premier numéro de cette série. Cette page est importante pour moi car ayant été influencé par beaucoup de comics se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale, je voulais que les origines de Hellboy y soient liées. Beaucoup de mes séries préférées (Captain America ainsi que beaucoup de vilains comme Red Skull et tous les autres personnages Marvel de ce type) se déroulent durant cette période. Je voulais donc que Hellboy apparaisse au moins à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, histoire de le montrer enfant entouré de soldats américains. J'ai toujours pensé que c'était le type de background que le personnage devait avoir. Cette scène est par la suite devenue iconique grâce à celle qui ouvre le premier film de del'Toro.
Cette planche a vraiment été très chiante à faire. Croyez moi. Je suis un dessinateur ayant tendance à faire des trucs fantastiques, mais pour que ce personnage fonctionne, je devais faire en sorte qu'il puisse évoluer dans un monde réel et tangible. J'ai donc du lutter pour faire ce genre de scènes réalistes dans lesquelles je pouvais y insérer le personnage sans que cela ne fasse trop fantastique.



Hellboy: The Third Wish #1 Cover (2002)

Voici l'un des très rares dessins dont je sois vraiment fier car il retranscrit bien ce sentiment de calme et de tranquillité que les lecteurs ne voient pas beaucoup dans les comic books. C'est également un bon exemple de pourquoi je ne veux pas être dissocier de Dave Stewart, le coloriste de mes travaux. Cette couverture fonctionne parfaitement pour moi.

Bien qu'étant un élément pivot de l'histoire, je ne saurais dire si j'ai juste voulu dessiner des lions ou si j'avais dès le départ une idée du rôle qu'ils auraient à y jouer. Si je me souviens bien, au moment où je faisais mes recherches sur l'Afrique, j'ai lu quelque chose sur les esprits des chefs de tribus Africains qui, en mourant, revenaient sous la forme de lions. J'ai tout de suite aimé ça je me suis dis "voilà l'esprit que je veux donner à cette histoire." Ce qui a donc donné cette histoire dans laquelle nous avons des séquences oniriques où Hellboy est entouré par des lions qui lui disent "nous ne voulons pas de toi, alors dégage."



B.P.R.D.: Garden of Souls #3 Cover (2007)

J'ai dessiné quelques couvertures de ce type pour cette série. L'une des idées de cette série était que des scientifiques Victoriens fous, qui vivent aujourd'hui dans des combinaisons en ferraille, élèvent des animaux génétiquement modifiés. Du coup, au lieu de simplement dessiner des animaux mutants, je me suis dis que ce serait plus sympa de superposer différentes images d'animaux - qui sont basées sur de vraies photographies - afin de montrer ces animaux croisés avec d'autres espèces. Je suis quelqu'un du genre paresseux lorsqu'il s'agit de concevoir quelque chose, encore plus lorsqu'il s'agit de comics remplis de monstres et autres créatures bizarres - je me dis dans ces moments là que le moyen le plus simple d'arriver à mes fins est de simplement dessiner le monstre et  puis basta. Mais avec cette couverture…je pense que le résultat est un peu plus mûri que les autres - les couleurs et la composition fonctionnent ici parfaitement. Guy Davis, qui est le dessinateur de cette série, et moi avons beaucoup travaillé sur le design de ces combinaisons robotique dont je suis par ailleurs très satisfait.

Je ne suis pas un fervent partisan des couvertures qui sont faites dans le seul but de vendre des comics. Mon idée est que lorsque vous avez une série comme B.P.R.D. qui s'étale sur le temps, vous devez faire des couvertures qui vous donne une idée de ce que vous trouverez dans le numéro tout comme vous devez faire des couvertures qui brouillent les pistes et vous laissent perplexe quant à leur contenu. Tout l'inverse des standards actuels qui font que des gosses, en voyant la couverture d'un comic book, se disent "Wow, je veux acheter ce comic. Regarde ! Cette couverture est juste dingue." Je me dis que je vends des numéros à des personnes qui achètent déjà ceux de la série. Voilà pourquoi j'aime mettre des trucs cool sur mes couvertures sans essayer de faire en sorte qu'elles doivent vous pousser à l'acheter.



Hellboy: The Wild Hunt #4 Cover (2008)

Voici le genre de couverture qui contraste avec celle des lions. J'ai très certainement dû faire beaucoup plus de couvertures comme celle avec les lions que de couvertures comme celle-ci. C'est une couverture pleine d'action très inspirée du travail de Frank Frazetta - le dessinateur qui m'a le plus inspiré étant gamin. Et encore une fois, cette couverture a été assez douloureuse à réaliser. Mais je pense qu'elle fonctionne bien. Et même si la composition de cette couverture a été pour moi un vrai cauchemar, je pense que je devrais en faire d'autres plus tard…

Dès qu'il s'agit de composer différentes choses ensemble plutôt que de travailler avec des éléments visuels, je suis du genre à penser comme un designer. Je sais à quoi doit ressembler le résultat final en amont du truc. J'aime composer avec des objets, mais lorsqu'il s'agit de devoir gérer plusieurs personnages... il y a tant de variables à prendre en compte, comme le bras de ce gars qui doit croiser le bras de cet autre type et blah blah blah blah. Ajoutez à ça les ombres et l'encrage et tout devient très vite chaotique. Je peux bien sûr travailler comme ça, mais ça me demande un effort assez titanesque et ça devient alors très laborieux, et…je n'ai pas forcément besoin d'avoir des cheveux gris en  me prenant la tête sur tout ça !



Hellboy: The Wild Hunt #7 Cover Line Art (2009)

Voici la Gigantesque Peinture Religieuse de Hellboy. Je pensais que cette couverture pourrait exprimer toute la démesure de la série. La funeste destinée du personnage a longtemps été mise de côté, beaucoup plus que je ne le pensais à ce moment. Cette couverture était donc le moyen de rectifier le tir, et elle rempli très bien son rôle. Encore une fois, je n'ai pas beaucoup fait de couvertures de ce type avec ce grand ciel rayonnant, mais au final, ça fonctionne bien. Je ne sais pas si je referai une couverture de ce type aujourd'hui tant elle est représentative de ce qu'était ou devait être ce personnage à cette époque.


En faisant cette couverture, je ne voulais pas montrer Hellboy détruire une ville à la manière d'un Godzilla. Il y a ici une crainte et une certaine majesté dans ce qu'est ou sera amené à être Hellboy. Et même si Hellboy est censé être le Dieu de la destruction ou un truc du genre, j'ai voulu donner au personnage une aura de Dieu plus que de simplement le montrer en train d'écraser une ville.



Hellboy: Double Feature of Evil Cover (2010)

Cette couverture est l'une de mes préférées. La composition et tous les autres éléments fonctionnent ici à merveille. Il y a d'ailleurs une histoire amusante à raconter à propos de cette couverture que j'ai toujours voulu écrire quelque part. Le numéro derrière cette cover s'appelle Double Feature of Evil et elle est présentée sous la forme de deux histoires totalement différentes. L'idée de base était de placer Hellboy face à deux affiche de films. Je l'ai fait, je l'ai dessiné et tout allait plutôt bien, sauf qu'à cause de ces deux affiches, ma première version affichait beaucoup trop de détails. Ce que j'ai fini par faire, c'est de combiner ces deux affiches en toile de fond, mettant ainsi le crâne, la tête et les pièces du premier poster dans le coin en haut à gauche, tandis que les éléments de l'autre affiche, celle avec les momies, se trouvent dans le coin en bas à droite. Ce que je veux dire, c'est qu'il y avait beaucoup plus d'éléments au départ, mais le fait de fusionner le tout rendait l'ensemble plus lisible. Lorsque je repense à ma première version de la couverture, celle avec les deux affiches... je suis sûr que j'ai dû me dire à un moment donné que les deux affiches collées l'une à l'autre fonctionnaient bien. Il doit y avoir un croquis quelque part de cette première version. Et pour ce qui est des couleurs, Dave Stewart a tout bonnement sublimé le truc. Une vraie beauté.



Abe Sapien: The Devil Does Not Jest Cover (2011)

Parfois, dessiner est un cauchemar, et d'autres fois, dessiner est un vrai plaisir. Voici une couverture qui combine plusieurs choses. Elle fut assez complexe à réaliser, mais j'adore dessiner des choses abstraites. Je ne me souviens pas si cette image m'est venue rapidement ou si j'ai dû prendre trois jours pour tout mettre en place dans ma tête - je sens que cette cover a dû être rapide à faire ou tout du moins qu'elle fut vraiment agréable à dessiner, sinon elle n'aurait jamais terminé sur un TPB. C'est typiquement le genre de couverture que vous devez préparez avant de la dessiner, et j'ai dû probablement faire quelques croquis préparatoires pour tous les petits éléments qui entourent Abe Sapien. La plupart de ces éléments se résument finalement à des formes, abstraient ou pas, sous lesquelles se trouve une grosse forme noir, histoire de faire ressortir toutes les mâchoires. Ce fut une sorte d'expérience thérapeutique pour moi.

Lorsque j'ai commencé à penser cette couverture, j'ai su quelle photo servirait de référence pour la maison - je savais donc dès le départ que la maison marcherait à merveille. Je savais également que la forme lumineuse passerait par le côté de la planche pour entrer par la porte de la maison. 



B.P.R.D. Hell on Earth: The Long Death #1: Year of Monsters Variant Cover (2012)


Voici encore un exemple de couverture dont l'idée principale était présente dès le premier croquis préparatoire. Je pensais aux peintures de Winslow Homer montrant un gars dans un petit bateau perdu dans un vaste océan. L'océan est presque impossible à dessiner pour moi. Avec cette série covers, l'idée était de montrer un monstre différent par couverture. Je savais alors que je voulais un monstre marin et j'ai tout de suite adopté l'idée d'un gars dans un petit bateau, mais je n'avais aucune idée de comment j'allais dessiner l'océan. Du coup, travailler le design de la couverture fut pour moi un moyen de régler le problème de l'océan sans avoir à trop le dessiner. Ces petites suggestions de vagues sur le côté gauche se trouvaient dans le premier croquis, et lorsque j'ai travaillé sur la version définitive, je n'ai pas cherché à en ajouter plus. J'ai essayé de rester aussi simple que la version préparatoire. Et une fois de plus, je suis vraiment fier de cette couverture. Beaucoup de ces artworks dont je parle depuis tout à l'heure sont encore en ma possession. Parfois, vous dessinez quelque chose et vous vous en séparez. Mais comme je ne sais pas si je referai par la suite quelque chose d'aussi bien, je sais que je reviendrai un jour dessus pour m'en inspirer. Du coup, je pense que je ne m'en séparerai jamais.




Hellboy in Hell #4 Cover (2012)

La façon dont j'ai conçu ma version de l'enfer, c'est en l'entourant de ce vaste abysse plein d'oscillations et de formes semi-transparentes abstraites. J'ai toujours eu la méduse dans un coin de ma tête car elle possède ce truc effrayant qui vous fascine dès que vous la regardez. Certaines de ces formes fonctionnaient parfaitement, et certaines d'entre elles m'ont beaucoup fait galéjer. Néanmoins, ce fut intéressant de dessiner cette amas de matière visqueuse. Il n'y a rien qui me dit que tel truc doit avoir cette forme ou bien que je dois donner telle forme à tel truc. C'est de l'abstrait à l'état pur. Mis à part ce petit dessin de Hellboy au milieu et l'idée que j'avais de l'éclairage, tout est abstrait. Et c'est quelque chose pour lequel je suis vraiment enthousiaste. J'aime la façon dont je travail ces jours-ci, en noyant des objets dans un océan de formes abstraites.

Encore une fois, j'ai essayé de présenter une image et non de faire quelque chose qui , en raison du logo titre Hellboy situé en haut de la couverture, corresponde aux normes actuelles du marketing. Tout dans la conception de cette couverture tournait autour de l'idée de faire une image et non de faire quelque chose qui se démarque de la concurrence pour attirer le regard du gars qui se ballade dans les rayons d'un comic shop. Lorsque je me lance dans ce genre de couverture, j'ai toujours une idée de comment elles fonctionneront. Je savais donc dès le départ que Hellboy devait ressortir du décor dans lequel il est plongé, mais je ne voulais pas qu'il soit rouge. L'idée principale de cette couverture était de le plonger dans son nouvel environnement - il est perdu dans un remous d'éléments chaotiques. Et une fois de plus, je remercie Dave Stewart d'avoir autant sublimer l'ensemble.

2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Tellement intéressant qu'il s'est retrouvé, et ce en l'espace d'une seule journée, en tête des posts les plus lus du blog. Hallucinant !

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